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Par nobeline le 25 Décembre 2011 à 21:03
HENRI CURIEL ET LE RESEAU JEANSON
LES PORTEURS DE VALISES
Quand on cite Francis Jeanson, on pense tout de suite aux « porteurs de valises ». Nous verrons dans les pages suivantes que ce triste personnage avait monté une organisation très structurée qui apportait bien plus qu’un simple soutien au FLN.
Depuis 1956, ce communiste avait enrôlé dans son réseau clandestin des hommes et femmes appartenant au Parti communiste ou encore anarchistes ou gens d’Eglise qui voulaient « apporter une contribution française à la lutte du peuple algérien pour sa liberté ».
A l’automne 1957, après trois années pendant lesquelles l’armée n’a cessé de traquer les terroristes, en France et en Algérie, le FLN en sort tellement affaibli que l’on peut considérer sa révolution définitivement avortée. Ajoutées à de multiples désertions dans ses rangs, les contributions apportées à la cause par le peuple ne suffisent plus. Le Front de libération n’a plus les moyens d’entretenir la rébellion. Son point faible, c’est l’argent.
C’est à cette période, qu’intervient un Jeanson, rusé et calculateur.
Il apparait tout de suite évident à ce « philosophe », que des hommes blonds aux yeux bleus peuvent, sans risque d’être soupçonnés par la police française, apporter une aide cruciale dans la poursuite de la guerre que le FLN livre à la France.
Le réseau, comprenant quelques dizaines de militants, prend en charge la collecte, auprès des 400.000 immigrés algériens en France, de «l’impôt révolutionnaire » fixé, par le FLN, à : 2.000 francs mensuels pour les salariés et à un pourcentage, proportionnel au chiffre d’affaires, pour les commerçants.
Gilles Perrault écrira dans son livre : « Chaque mois, quatre à cinq cents millions de francs (soit plusieurs milliards de centimes de francs) passent en Suisse, après avoir été transportés par les porteurs de valises français dans dix appartements réservés pour leur réception et trois appartements pour le comptage minutieux des billets. Ce trésor finit dans un quatorzième appartement d’où il est pris en charge par un « courtier » qui, moyennant une confortable commission, le transfère sur un compte en Suisse ».
Comme tout travail mérite salaire, un pourcentage est prélevé sur les sommes collectées puis transportées à l’étranger et tout ce petit monde vit largement sur le « dos des immigrés algériens » qu’ils sont censés aider par idéalisme et humanisme.
Mais Francis Jeanson est un intellectuel parisien de haut vol (!). Directeur de collection aux éditions Le Seuil, ancien gérant de la revue Les Temps Modernes, ami de Sartre, il aime mener grand train, fréquente le bar du Pont Royal où se réunit l’intelligentsia parisienne, emploie son temps à des frivolités qui cadrent mal avec le «chef du réseau terroriste » qu’il est censé représenter.
Des militantes diront : « (…) avoir été choquées par « l’allégresse sexuelle » de Jeanson et de ses « camarades » (…) dont la fidélité conjugale n’était pas toujours respectée ».
Cependant, la vie dissolue de Jeanson le dessert et il ne va pas, longtemps encore, profiter du monopole des porteurs de valises.
Vivant clandestinement à Paris, depuis son expulsion de son Egypte natale, Henri Curiel, communiste et activiste révolutionnaire, est présenté à Jeanson par l’intermédiaire de Barrat, journaliste à l’Express, militant pour l’indépendance de l’Algérie, qui le presse d’entrer dans le combat aux côtés du FLN.
Henri Curiel n’est pas un inconnu. La lutte très active qu’il a menée contre la colonisation anglaise, dans son pays, lui a valu maints séjours en prison et la reconnaissance éternelle des égyptiens. Sauf que, Nasser le fait expulser d’Egypte après s’être fait élire grâce à ses bons offices et à la rébellion qu’il a menée avec ses comparses communistes pour l’indépendance du pays. (Les idiots utiles !)
Certes, il devra procéder avec prudence pour ne pas être expulsé de Paris, cette fois, où il réside avec sa femme. Mais le « clan » égyptien avec lequel il a œuvré plusieurs années contre les anglais, s’est également installé clandestinement en France. Il va faire appel à eux et faire sien le combat qu’il décide de livrer contre les français et la France pour venir en aide aux terroristes du FLN.
Dès lors et, même s’il reconnait le « bon travail » accompli, jusque-là, par Jeanson, il va recréer dans ce même réseau, « son » propre réseau qui prend vite les commandes et, avec l’accord du FLN, il évince Jeanson qui doit prendre la fuite, poursuivi par la police française.
Les juifs égyptiens de Curiel, sont rompus à la lutte terroriste depuis longtemps. Ils vont, comme le faisait leur prédécesseur, collecter les fonds, cacher les terroristes, leur faire passer les frontières en Espagne, Italie, Suisse, Allemagne avec la complicité des gens de gauche, communistes et autres socialistes, qu’il a ralliés à sa cause et d’autres prêtres et gens d’église, catholiques convaincus.
Les femmes de « son clan » sont reçues par - ou travaillent pour - d’éminents personnages politiques français. Leur intégration dans cette société « d’intellectuels de gauche », de gens de lettres et du spectacle, va leur permettre d’étendre leur action au-delà des frontières hexagonales.
Pour ne pas se disperser, il va conserver le contrôle des sommes collectées qu’il héberge jusqu’en Suisse où sa femme, Rose est titulaire d’un compte bancaire personnel par lequel transite tout l’argent du FLN.
Plus de courtier, plus d’intermédiaire, c’est elle qui passera la frontière Suisse, chaque fois que les terroristes auront besoin d’argent et fera des retraits qu’elle remettra en « mains propres » aux dirigeants du FLN.
Avec Curiel, Paris devient la plaque tournante des fonds secrets du terrorisme algérien fln. Son réseau est structuré avec une rigueur militaire et n’a plus rien de commun avec l’amateurisme du réseau Jeanson.
Lors de sa seule incarcération, en France, il avait demandé à être logé dans les quartiers des terroristes du FLN où il continuait de leur dispenser son enseignement dans la lutte antifrançaise, avec l’assentiment et la collaboration des garde-chiourmes et de la direction du pénitencier.
Selon ses dires, l’amitié indéfectible qui le liait à Benbella, lui a permis, à plusieurs reprises, de s’adresser au président algérien, de l’époque, pour demander des fonds nécessaires aux « révolutions » qu’ils soutenaient, qu’elles fussent en Afrique, en Amérique latine ou ailleurs.
D’après ses aveux, le président Benbella, très généreux, puisait dans un tiroir de son bureau les énormes sommes d’argent qu’il lui remettait avec un plaisir évident pour le remercier de sa collaboration passée.
Curiel est resté, certes, toujours très discret. Néanmoins, il était de notoriété publique qu’il dirigeait d’une main de maître ce réseau de terroristes, porteurs de valises. Il ne se cachait pas.
Apatride sans passeport, Il a vécu, pendant 27 ans à Paris. Avec son épouse, Rosette, il avait emménagé depuis six ans dans un luxueux duplex parisien de la rue Rollin.
Alors, pour quelles raisons le nom d’Henri Curiel a-t-il été ignoré ou plus vraisemblablement, a-t-il été caché jusqu’à son assassinat, le 4 mai 1978, qui fit la une de tous les journaux, le révélant au grand public?
Pour quelles raisons a-t-il toujours échappé aux Renseignements français ?
Peut-être parce qu’il était, précisément, un agent du Renseignement français !
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